Sombréclat

Une guest-star pour le prélude et le premier chapitre du BG de Sombre et un clin d'œil a celui qui fut mon mentor et qui, j'espère, me pardonnera ce pied-de-nez si jamais il tombe sur ce texte.


Prélude : le Fardeau des Âges


La brise marine balayait les marécages désolés de son souffle moqueur.

Pendant que je m'aidais de mon bâton de marche pour sonder le terrain, un soleil pâle s'élevait lentement de derrière les montagnes, tentant bravement de percer la brume et poussant les créatures de la nuit à regagner leurs tanières humides.

Prenant un instant pour me rafraîchir, j'écoutai avec un sourire les vagissements des jeunes raptors appelant leurs mères parties chasser. Toute cette vie... et pourtant, pour beaucoup d'aventuriers, cette terre n'était qu'un marais boueux.

Mais au moins, il pouvait dormir en paix.

Soudain, sur ma droite, les montagnes s'ouvrirent pour laisser place un petit défilé que je pris sans hésiter. Après quelques mètres, les branches tombantes d'un saule me révélèrent les deux colonnes familières et, bien sûr, l'arbre.

Enfin, je poussai un soupir de soulagement. Ça faisait des années depuis que j'avais planté cet arbre et il avait bien grandi, remplissant à la perfection son rôle de veilleur et de témoin.

J'étais arrivé.

C'est alors que le poids des souvenirs s'abattit sur moi.

Paralysé devant mon juge silencieux je tentais, en vain, de saisir toutes les conséquences possibles de mes actes passés. J'étais soudain pétrifié d'effroi.

Et tout aussi soudainement, je repris mes esprits.

De toute façon, que pouvait-il m'arriver ?

Après tout, j'étais mort.



Chapitre 1 : Attente


Se glissant sans bruit entre les herbes sèches, la chasseresse progressait à une vitesse constante vers sa proie inconsciente. Parvenue à une distance d'environ vingt pas, elle s'arrêta et choisit avec précaution un galet lisse et d'un poids convenable puis sortit une lanière de cuir usé. C'était facile.

Un peu trop, d'ailleurs.

Une brise froide alerta la trollesse qui roula en avant au moment précis où deux énormes bras musclés se refermaient sur le vide. Elle se redressa avec l'agilité d'un chat mais ne fut pas assez rapide pour éviter la petite boule de feu qui s'écrasa au milieu de son dos, dans un crépitement d'étincelles.

- Nom d'un gnoll chancreux, couveuse à mouches ! J'te jure que tu me paieras ce coup-là ! » rugit la trollesse, se roulant dans la poussière pour éteindre les flammes naissantes sur son gilet de cuir.

Face à elle le mort-vivant qu'elle pensait endormi la toisait, une grimace narquoise plaquée sur son visage.
- Ça te servira de leçon Deldjyra ! Où as-tu bien pu pêcher qu'un mort-vivant avait besoin de dormir ?!

La trollesse se releva avec un grognement.

- Ok, sac à vers. Toi et moi au couteau, sans ta saloperie de luciole géante.
- Non merci, j'aimerais conserver ce qu'il me reste de membres, si tu n'y vois pas d'inconvénients. Quant au marcheur, il reste.

Deldjyra haussa les épaules et s'éloigna en direction de la cabane qu'ils étaient supposés se partager. Cela faisait bientôt trois jours qu'ils avaient reçu tous les deux une lettre de leur supposé « Guide », un chaman appelé Zaarlath. Il leur avait demandé d'attendre dans ce coin désert qu'il vienne les chercher. Eh bien … elle avait suffisamment attendu !
Empoignant ses affaires d'un geste fluide, elle ressorti de la masure et se retrouva à nouveau face à son étrange compagnon. Le regard vitreux de celui-ci reflétait à présent de la perplexité face à l'intention évidente de la trollesse. Deldjyra haussa les épaules avec nonchalance.

- Je sais pas toi mais moi, j'en ai assez de me dessécher dans ce trou. J'retourne à la Croisée. Tu peux m'accompagner si tu veux.
- Il nous a demandé d'attendre, rétorqua le mort-vivant avec une grimace.
- Eh ben j'ai attendu ! Maintenant j'me casse et je te suggère de faire pareil. Tu lui dois rien à ce type.

L'autre se contenta de hausser les épaules.

- Bon sang ! Ta cervelle t'a coulé par l'oreille quand tu t'es relevé, c'est pas possible autrement... Ah et puis je suis pas ta nounou, rajouta la trollesse après un temps de réflexion, tu peux te dessécher ici pour tout ce que j'en ai à faire !

Marmonnant entre ses dents, elle passa à côté du mort-vivant, prenant garde à le bousculer d'un coup d'épaule rageur. Elle ne fut bientôt plus qu'une silhouette s'éloignant dans le paysage aride de la savane mais même quand elle eut disparu, les yeux calmes du mort-vivant continuèrent de fixer la direction dans laquelle elle était partie.
Enfin, il se décida à regagner l'ombre protectrice de la cabane et s'assit sur le pas de la porte.

- Et maintenant, Zaarlath, où es-tu ?